
mercredi 11 juin 2025
de 18h à 21h
L’Europe face aux empires
Bernard Guetta et Guillaume Duval
L’Europe s’est construite après 1945 sur la volonté d’organiser pacifiquement les relations entre pays d’Europe de l’Ouest mais aussi sous la pression de l’URSS. Malgré la guerre froide, l’Europe a pu se reconstruire et se développer en symbiose avec les USA. Elle a donc connu une paix relative jusqu’en 1990 puis une courte parenthèse enchantée de 1990 à la fin des années 2000. L’hyperpuissance américaine veillait face à une Russie en grave crise existentielle et une Chine encore fortement sous-développée. L’Europe a tiré alors le maximum des dividendes de la paix, le mercantilisme et l’ordo-libéralisme allemands triomphaient. L’Europe s’élargissait en faisant se rejoindre l’histoire et la géographie.
Quelques signaux plus ou moins faibles auraient dû alerter les Européens : guerres de Yougoslavie avec notamment les bombardements de l’OTAN sur la Serbie en 1999 qui ont rompu la confiance avec les Russes, guerres en Tchétchénie et dans le Caucase, intervention occidentale en Libye dépassant le mandat « négocié » avec les Russes… L’Europe n’en a pas tenu compte.
Elle s’est donc endormie sur ses excédents commerciaux et plusieurs occasions de pacifier le cours de l’Histoire ont été perdues. En outre, au début des années 2010, les Américains ont commencé à se désengager du Moyen-Orient et à vouloir pivoter sur l’Asie-Pacifique.
Les premières tensions en Ukraine en 2013/2014 puis en Syrie n’ont pas suscité des réactions occidentales significatives notamment à cause d’une mauvaise évaluation de la situation de la part des Américains. La Russie s’est enhardie en 2022 avec l’agression massive de l’Ukraine. Cette « opération spéciale » qui devait être une promenade de santé s’est avérée un bourbier pour la Russie. Cette guerre a constitué un réveil douloureux pour l’Europe en montrant les limites de la politique passée.
Le second coup de tonnerre, suite à l’élection de D. Trump à la présidence des États-Unis, a été un quasi-renversement d’alliance des Américains qui sont devenus au mieux neutres voire qui épousent les thèses russes. En outre, les errements de la politique économique de D. Trump créent un climat de défiance qui pourrait déclencher une crise économique mondiale.
Enfin, la guerre commerciale entre les USA et la Chine risque d’avoir des conséquences négatives pour l’Europe. Certes, les entreprises chinoises vont essayer de déverser leurs excédents de marchandises en Europe à prix cassés mais l’Europe s’aperçoit que la Chine domine plusieurs filières industrielles critiques. Même si l’Europe est moins concernée, les velléités expansionnistes de la Chine en Asie représentent une menace sérieuse. De plus, il y a un risque non négligeable de voir la Sibérie et son formidable potentiel de ressources naturelles passer à terme sous contrôle indirect voire direct de la Chine.
Il ne faudrait pas que l’Europe connaisse le même sort que la République des deux nations (Pologne/Lituanie) qui était un des États les plus vastes et les plus peuplés, donc les plus puissants d’Europe au XVe siècle mais qui n’existait plus à la fin du XVIIIe siècle, dépecé par les empires voisins.
Face à cette situation, des décisions importantes ont été prises notamment en Allemagne. Toutefois, les discours ont montré leurs limites (les Européens sont totalement incapables de remplacer à court terme le soutien américain à l’Ukraine). Nous vous proposons de réfléchir à un plan cohérent pour l’Europe face aux diverses menaces impériales : quel niveau de risque représentent les Empires pour l’Europe ? Quelle riposte à court terme pour que l’Europe se fasse respecter ? Quelles sont les armes de l’Europe sur le plan militaire ? Économique et financier ? Comment l’Europe peut-elle mettre en œuvre concrètement ce plan ?
Entrée libre
Guillaume Duval : ingénieur de formation, est conseiller auprès de l’Institut Jacques Delors. Il a été rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, membre du CESE et il a écrit les discours du Haut-représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borell.
Bernard Guetta : journaliste, a collaboré à de nombreux médias dont Le Nouvel Observateur, le Monde, L’Expansion, Le Temps, La Repubblica, France Inter… Il a reçu le prix Albert Londres en 1981. Il a été correspondant du Monde à Washington et à Moscou. Depuis 2019, il est député au Parlement européen.